Mon grand-père Michael Korn est né le 6 octobre 1908 à Goldwag-Hüttenhäuser (aujourd’hui : Boudy), un petit village de Bohême occidentale, près de Tschernoschin (aujourd’hui : Cernošín) dans le district de Tachau (aujourd’hui : Tachov) dans les Sudètes. Il exerçait la profession de garde-forestier et de garde-chasse.
Le 16 juin 1934, il épousa à l’église de Tchernoschin sa femme Theresia Korn, née Baierl, originaire du village voisin de Triebl (aujourd’hui Třebel) (note de l’auteur : c’est là qu’eut lieu la bataille de Triebl en 1647, pendant la guerre de Trente Ans).
Le 27 août 1939, il fut incorporé dans la Wehrmacht et prit ses fonctions à la 79e compagnie, Landesschützenbataillon 20 dans le Wehrkreis XIII (77e-80e compagnies établies à Tachov, dont une à Mies (aujourd’hui Stríbro)). Après sa formation de base, il rejoint la 260e division d’infanterie et fait partie, à partir du 14 décembre 1939, de la 2e compagnie / bataillon de réserve d’infanterie 480 à Nuremberg.
Il est passé par différentes compagnies du régiment d’infanterie 480 :
– selon le rapport du 07 janvier 1940, à la 1ère compagnie / régiment d’infanterie 480
– à partir du 29 janvier 1940 à la 7e compagnie / régiment d’infanterie 480
– à partir du 1er octobre 1940 à la 10e compagnie / régiment d’infanterie 480
Le 10 octobre 1941 – la division était en marche vers la ville de Kaluga – il reçut la Croix de fer de IIe classe des mains du commandant de la division, le général de corps d’armée Schmidt.
Il fut blessé pour la première fois lors des combats de Juchnow. Le 13 février 1942, le commandant de bataillon, le major Gaudig, lui décerne l’insigne des blessés en noir.
Lors des combats dans la position de Ressa–Ugra, il a participé à différents combats et a reçu pour cela l’insigne d’infanterie du commandant adjoint du régiment, le major Dr Friker.
Le 11 mai 1942, il change à nouveau de compagnie : il passe à la 5e compagnie / régiment d’infanterie 480 et y reste jusqu’au 26 août 1942.
Promu caporal-chef le 26 août 1942, il est affecté le lendemain – sur recommandation du colonel Fremerey, alors commandant du régiment – comme chasseur auprès du général de corps d’armée Hahm, commandant de la division.
Il y est resté – plus tard comme Stabsgefreiter – jusqu’à la fin de la division en juin 1944, bien que le général Hahm lui ait proposé de rester avec lui. Mon grand-père – comme en témoigne une lettre du général à ma grand-mère datée du 02 novembre 1944 – préférait rester près de ses camarades avec lesquels il avait déjà été si longtemps.
Le dernier message est une lettre rédigée le 22 juin 1944 – le jour du début de la grande offensive soviétique.
Il écrit:
Russie le 22.6.44
Ma chère bonne maman et Eduard !
Un petit message de ma part doit toujours te faire plaisir, comme aujourd’hui. Je n’ai pas grand-chose à écrire. Tout est comme avant. Le temps est très beau. Une chaleur tous les jours, à faire frire. Je suis noir comme un nègre. Tout me regarde comme un gitan. Rien ne manquera-t-il chez toi ? Ederl est-il aussi un nègre ?
J’aimerais tant revoir mes deux favoris. Mais malheureusement, chère maman, cela ne se fera pas avant ton anniversaire. On ne sait pas combien de temps dure la suspension des vacances. Qu’ils arrêtent la guerre, nous n’aurons plus besoin de vacances. Espérons le meilleur.
Chère maman, je suis déjà curieux de savoir comment ton invité, le soldat, a apprécié ce que tu as eu à manger. Ou bien avais-tu un officier ? Eduard en aura déjà apporté un beau. Tu es un peu tombée amoureuse, maman ? J’ai un peu peur, c’est tout. Qu’est-ce qu’il lui avait préparé ? Demain, je recevrai déjà du courrier.
Comment vas-tu sinon, chère Resi ? Beaucoup de travail et peu de pain, n’est-ce pas ? Je ne peux pas m’en empêcher. J’ai aussi souvent faim et je n’ai rien à manger. C’est la guerre. Il faut se contenter de tout. Je suis aussi satisfait. L’espoir que je puisse moi aussi retourner auprès de toi et d’Eduard me permet de surmonter tout cela. Je regrette seulement éternellement les belles années de ma jeunesse. Elles ne reviendront jamais. Mais qu’Eduard m’écrive une petite lettre. Il faut qu’il prenne son temps. Quand aura-t-il des vacances ? Ou bien n’y a-t-il pas de vacances cette année?
Restez tous les deux en bonne santé et sages. Je suis sage aussi, en bonne santé mais pas tout à fait. Toujours dans le ventre, quand on n’a que des douleurs la plupart du temps, toute la vie est gâchée. Je vais donc conclure pour aujourd’hui, il est ½ 8 heures. Je vais encore faire un peu de canards. Il fait assez froid la nuit dans ma tente. Avec mes salutations cordiales et beaucoup de bons baisers, je reste votre bon papa.
Je salue Karl, Anni, Friedel, Franz, Anna, Sepp et toutes les personnes que je connais, en espérant les revoir en bonne santé. Encore une fois, mes chers Resi et Ederl. Si seulement je pouvais bientôt être de nouveau avec vous et y rester. Est-ce que c’est une vie, maman ? Je t’écrirai demain ! Es-tu déjà allée à la cabane ? Monte voir le père.
(Note de l’auteur : la lettre était accompagnée de fleurs cueillies qui sont restées sèches jusqu’à aujourd’hui).
Après la grande attaque soviétique du 22 juin 1944, il a d’abord été porté disparu dans la région d’Orscha. Le 22 janvier 1949, l’Oberfeldwebel Alfred Geck de Nuremberg a écrit dans une lettre qu’il avait lui-même été fait prisonnier le 7 juillet 1944 et qu’il avait retrouvé Michael Korn dans un camp de prisonniers de guerre de la région de Minsk. Lors de sa capture, mon grand-père avait reçu une balle dans la fesse et avait été soigné par l’Oberfeldwebel Geck.
À la mi-août, mon grand-père a contracté la dysenterie et est décédé. Il a été enterré dans une tombe individuelle à la limite nord du camp – dont je ne connais malheureusement pas le nom ou le numéro. Sa tombe a été marquée d’une croix.
Le camp a été fermé fin septembre 1944. A cette date, 211 prisonniers étaient décédés. En l’absence d’autres informations sur le camp, il n’a pas encore été possible de localiser l’emplacement de la tombe. Selon le service de recherche de la Croix-Rouge allemande, il pourrait s’agir du point d’accueil des prisonniers de guerre (Priemnyj punkt voennoplennych) numéro 22, dont l’emplacement exact n’est pas connu.
En ce qui concerne l’Oberfeldwebel Geck, j’ai pu déterminer qu’il se trouvait le 22 septembre 1944 (date d’établissement de son dossier) au camp de prisonniers de guerre du NKVD n° 168 à Masyukovshchina, un quartier de Minsk. De ce camp, il a été transféré le 9 avril 1948 à l’hôpital spécial 1673. De là, il est rentré dans son pays le 9 septembre 1948. Il a probablement rencontré mon grand-père au camp 168, ce qui correspondrait peut-être à la période.
Dans l’inventaire du centre de documentation de la Fondation des lieux de mémoire saxons, un cimetière est indiqué pour le camp 168 pour la période d’octobre 1944 à août 1945, également avec le numéro 168 et les indications suivantes : Biélorussie/ Minsk/ Masjukowschtschina, Borowski (communauté de communes). Il y avait au total 1060 tombes, dont 833 allemandes.
Sa plaque d’identité portait le numéro –32- Ld.Schtz.Btl XX/XIII. La marque n’est malheureusement pas disponible.
Le 10 mai 1945, Triebl et ses environs ont été occupés par les troupes russes. Son épouse Theresia Korn, son fils Eduard (mon père) ont été expulsés de leur pays à la mi-septembre 1945 par des soldats et des policiers tchèques avec un total de 50 kilos de bagages. Vous trouverez ici un récit de l’expulsion de la famille allemande des Sudètes de ma grand-mère et de mon père, alors âgé de 9 ans.
Elle s’est retrouvée avec deux frères à Wetzlar, les sœurs de Michael Korn ont „échoué“ à Roth près de Nuremberg et de Trèves, le père à Melsungen dans la Hesse. D’autres parties de la famille ont „atterri“ à Dargun, près de Rostock.
Je suis très reconnaissant pour toute information qui pourrait contribuer à localiser l’emplacement de la tombe.
Voici l’extrait du livre commémoratif du cimetière militaire allemand de Berjosa en Biélorussie